Sahel x Conflits – Des morts et des milliards au Sahel
Les pays sahéliens d’Afrique de l’Ouest subissent une situation sécuritaire tendue. L’insécurité de la sous-région provient surtout de la défaillance des États locaux et de la propagation des conflits limitrophes. Gérer les crises, renforcer les institutions et stimuler le développement sont les objectifs poursuivis pour aider ces peuples africains à s’approprier leur destin.
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Les pays sahéliens d’Afrique de l’Ouest subissent une situation sécuritaire tendue.
Interface entre l’Afrique du nord et l’Afrique subsaharienne, la région du Sahel concentre d’importants défis géopolitiques. Signifiant « rivage » en arabe, le Sahel est bordé par le désert du Sahara et la zone forestière au climat plus humide. Il constitue une bande de 5500 kilomètres de long - allant du Sénégal à l’Érythrée - et de 500 kilomètres de large. Cette bande sahélo-saharienne comporte des États fragiles et enclavés comme le Tchad, le Niger, le Burkina Faso ou le Mali. Pays aux frontières artificielles et poreuses, avec une forte dynamique démographique, ils sont souvent confrontés à des conflits ethno-confessionnels qui s’enracinent dans des politiques défaillantes.
Inséré dans ce contexte difficile, le Mali est emblématique des enjeux rencontrés par la sous-région. Sur les 20 millions d’habitants du Mali, 90% vivent dans le Sud, où se trouve la capitale Bamako traversée par le fleuve Niger. En revanche, disposant d’un climat semi-aride, le Nord du Mali est peuplé notamment de Touaregs, un peuple nomade et berbérophone. Après l’indépendance du Mali en 1960, les Touaregs ont fomenté une rébellion indépendantiste contre l’État central jusqu’à 1992. Cette population minoritaire, pauvre et musulmane, représente un terreau fertile pour l’implantation d’islamistes radicaux. Aujourd’hui, le Nord du Mali regroupe des mouvements djihadistes divers de source algérienne (AQMI à Tessalit), peule (MUJAO à Kidal) ou touarègue (Ansar Dine à Gao).
L’insécurité de la sous-région provient surtout de la défaillance des États locaux et de l’héritage des conflits limitrophes.
La défaillance des États locaux augmente le ressentiment d’une frange de la population laissée-pour-compte. La quasi-totalité des pays du Sahel figurent au classement des pays les moins avancés (PMA) du monde selon l’organisation des Nations-Unies (ONU). Ils concentrent de graves insuffisances en matière de développement humain. Par exemple, le Niger affiche des résultats médiocres puisque son indice de développement humain (IDH) le classe parmi les derniers du monde (189ème). Son produit intérieur brut (PIB) ressort à 1200$ par personne tandis que la durée moyenne de scolarisation y est inférieure à 6 ans. Dans cette zone, la défaillance de l’État central nuit au développement humain ce qui met les populations à la merci de groupes fanatiques.
La propagation des conflits limitrophes pèse aussi de tout son poids dans la sous-région. Dans les années 1990, l’Algérie fut en proie à une guerre civile entre les forces gouvernementales et des groupes islamistes (FIS, GIA, GSPC, etc.). Au début des années 2000, certains d’entre eux ont obtenu le soutien d’Al-Qaeda pour instaurer un califat. C’est l’origine du groupe Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) qui s’est implanté au nord des pays sahéliens. Puis, dans un contexte de Printemps arabes, la chute du régime du colonel Kadhafi en Libye en 2011 a libéré des armes de guerre et des forces insurrectionnelles dans toute la sous-région. Plusieurs États sahéliens d’Afrique de l’Ouest se sont trouvés ainsi déstabilisés par le développement des conflits sur leur territoire.
Gérer les crises, renforcer les institutions et stimuler le développement sont les objectifs poursuivis pour aider ces peuples africains à s’approprier leur destin.
À court terme, la priorité des États locaux et de leurs alliés reste de se concentrer sur la gestion des crises les plus urgentes. Face aux menaces djihadistes, la lutte anti-terroriste et le soutien aux États centraux justifient les interventions de la France dans la sous-région. Par exemple, au Mali, l’armée française est intervenue à la demande du gouvernement malien dès 2013 avec l’opération Serval pour contrecarrer la progression de l’insurrection touarègue et islamiste. Pour Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France dans plusieurs pays d’Afrique, « le Mali pouvait être transformé en Somalie ou en Afghanistan » sans l’intervention des Français. Les derniers développements sécuritaires au Burkina Faso font l’objet d’un suivi serré de la part des alliés.
À moyen terme, le renforcement des institutions étatiques est primordial pour éviter l’enracinement des crises. Les échelons régionaux et mondiaux se mobilisent pour renforcer les capacités des États notamment dans le domaine régalien. Des pays d’Afrique de l’Ouest se sont associés dans le cadre du G5 Sahel (G5S) dont la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Il s’agit d’une initiative proposée en 2014 qui vise à renforcer le contrôle des frontières et coordonner la mise en place de la sécurité. Ces pays agissent en partenariat avec l’opération française Barkhane qui est la principale opération extérieure française (OPEX).
À long terme, toutes les composantes du développement reçoivent un effort important des pays développés alors même que les populations sahéliennes croissent à vive allure. Pour stimuler le développement au Sahel, les États et leurs alliés tentent de compléter la gestion des crises par des plans d’investissement dans les biens publics : infrastructures, éducation et santé. Dans ce but, l’Alliance Sahel a été créée en 2017 comme une plateforme internationale avec les pays du G5S, des pays européens et des bailleurs internationaux. Elle conçoit, coordonne et finance des projets dans 6 secteurs décisifs pour le développement à long terme du Sahel. C’est une véritable course contre la montre qui se joue dans un contexte de forte croissance démographique.
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