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Europe x Green – Le pacte vert pour l’Europe de demain

Face à la crise environnementale, la Commission européenne d’Ursula von der Leyen propose un pacte vert pour l’Europe. Cette transition écologique vise aussi à relancer le projet politique européen autour d’un défi commun. Elle présente toutefois des limites qui devront être surmontées afin de crédibiliser l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050.

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Face à la crise environnementale, la Commission européenne d’Ursula von der Leyen propose un pacte vert pour l’Europe.

  • Organe exécutif de l’Union européenne (UE), la Commission européenne a fait l’objet d’un renouvellement en 2019. Depuis juillet 2019, Ursula von der Leyen (PPE) est la première femme présidente de la Commission européenne. Appelée à jouer ce rôle pour 5 ans, elle a pu compter sur sa proximité avec Angela Merkel, son orientation conservatrice et sa nationalité allemande. Elle conduit sa mission avec l’appui de 26 commissaires européens dont les portefeuilles reflètent bien les préoccupations européennes d’aujourd’hui. Plusieurs intitulés sont notables comme la « promotion du mode de vie européen » du grec Margaritis Schinas (PPE) et la mise en œuvre du « pacte vert européen » du néerlandais Frans Timmermans (S&D).

  • La première initiative majeure de la Commission est l’annonce d’un pacte vert pour l’Europe en décembre 2019. Il s’agit d’une « stratégie de croissance » qui vise à impulser une transition écologique juste dans l’espace européen. Elle se donne pour but de réduire de près de 50% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et d’assurer la neutralité carbone du continent jusqu’à 2050. Ursula von der Leyen prévoit une dépense de 1 000 Md€ sur 10 ans portés par des financements européens. Ses objectifs généraux sont en passe d’être déclinés dans une feuille de route concernant des domaines variés comme l’énergie, la biodiversité, l’alimentation et les transports. Le pacte vert pour l’Europe est donc le marqueur fort de la nouvelle Commission européenne.

Cette transition écologique vise aussi à relancer le projet politique européen autour d’un défi commun.

  • Son premier objectif consiste à renouer le lien défait avec les peuples européens. Car la mutation des rapports de force politiques a été reflétée dans les élections de mai 2019. Les soutiens à l’écologie ont beaucoup gagné en audience à l’issue de ce scrutin ce qui explique le verdissement de la Commission. Tandis que les sociaux-démocrates (S&D) et les conservateurs (PPE) ont perdu en influence, les eurosceptiques (ID, CRE) et les écologistes (Verts/ALE) sont montés en puissance. Les partis verts ont réalisé une percée considérable auprès des poids lourds de l’UE comme l’Allemagne (22%) et la France (14%). Le pacte vert pour l’Europe est une réponse aux préoccupations environnementales exprimées par les électeurs européens.

  • Son deuxième objectif est de proposer un projet commun pour fédérer des gouvernements désunis. L’agenda classique de la Commission pour plus d’élargissement et plus d’approfondissement n’a pas résisté aux crises des années 2010. L’augmentation des dettes souveraines, l’essor des migrations clandestines et l’attrait des populismes sont autant de chocs face auxquels les institutions européennes ont subi les événements. Les désaccords entre États et institutions sont même apparus dans toute leur gravité alors que les turbulences traversées exigeaient un état d’esprit de solidarité et de coopération. Le pacte vert pour l’Europe apparaît l’occasion pour la Commission de reprendre l’initiative et de pousser un objectif de long terme qui soit plus consensuel entre les États.

  • Son troisième objectif revient à afficher un leadership global dans un monde en pleine écologisation. Selon l’expert en géopolitique et relations internationales Hubert Védrine,  « le compte à rebours écologique va faire monter la pression pour l’écologisation sur tous les pays » (Comptes à rebours). Consciente de ce grand enjeu, et du bénéfice d’image qu’elle pourrait en retirer, l’UE affirme son ambition de respecter - sinon de dépasser - les accords de la COP21 de 2015. Dans la géopolitique mondiale, cette stratégie peut contribuer à distinguer l’espace européen puisque les États-Unis sont sortis des accords de Paris et la Chine subit encore son niveau élevé de pollution. Le pacte vert pour l’Europe est un coup politique où la Commission se repositionne dans la géopolitique mondiale.

Elle présente toutefois des limites qui devront être surmontées pour crédibiliser l’ambition de neutralité à horizon 2050.

  • Les orientations stratégiques du pacte vert pour l’Europe posent question dans des domaines comme l’énergie. La sécurité et la soutenabilité des approvisionnements énergétiques sont décisives dans une Europe dépendante à plus de 70% d’énergies fossiles, souvent importées (charbon, pétrole, gaz). Pour définir les énergies propres éligibles aux financements verts, les négociateurs européens ont construit une nomenclature. Ils distinguent les activités vertes des autres (« taxonomie ») ce qui place l’énergie nucléaire au cœur des négociations. L’énergie nucléaire présente un bilan carbone modéré et facilite le pilotage en continu de sa production. Mais elle n’est pas exempte de risque d’accidents et d’enjeux de stockage des déchets. La stratégie énergétique du pacte vert pour l’Europe causera des débats engagés.

  • Des blocages politiques pourraient apparaître au regard du parcours de commissaires européens ayant des portefeuilles importants. Le cas de l’agriculture est emblématique de l’enjeu de coordination politique au sein de la Commission. L’agriculture est responsable de 10% des émissions de gaz à effet de serre en Europe, proportion allant jusqu’à 31% en Irlande. Or, le commissaire polonais à l’agriculture Janusz Wojciechowski n’a pas convaincu tous les parlementaires qui l’ont auditionné pour sa prise de fonction. Il aura toutefois à gérer la mise en place de la nouvelle politique agricole commune (PAC), la montée en charge de l’agriculture biologique et les importations de soja au coût environnemental lourd. Dans l’agriculture, comme dans d’autres domaines, la Commission aura besoin d’assurer une forte coordination politique.

  • Le niveau de financement annoncé par la Commission pourrait être inférieur aux besoins réels ce qui ferait reposer l’effort financier sur les États. Selon l’institut Bruegel, un cercle de réflexion pro-européen, plusieurs conditions doivent être réunies pour faire fonctionner le pacte vert européen : un prix du carbone significatif, une politique industrielle innovante, un mécanisme inclusif de compensation ainsi qu’une stratégie d’investissement durable (« How to make the European Green Deal work », nov. 2019). Sur ce dernier point, les économistes du Bruegel soulignent que le niveau d’investissement devrait être plutôt supérieur à 300 Md€ par an que proche de 100 Md€ par an, le montant annoncé par la Commission (« The European Green Deal needs a reformed fiscal framework », déc. 2019). Le pacte vert pour l’Europe pourrait sortir le continent du marasme à condition que les Européens s’en donnent les moyens.

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Source image : ZDF

Source infographie : Toute l’Europe

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