Europe x Green – Macron en a le vertige

 

L’exacerbation de la crise environnementale pourrait dégrader la géographie des pays européens. Aux échelles continentale et nationale, les initiatives annoncées ne sauraient suffire pour répondre au défi du siècle. Tous les acteurs géopolitiques auront ainsi à se mobiliser avec plus d’ambition pour décarboner le système socio-économique. 

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L’exacerbation de la crise environnementale pourrait dégrader la géographie des pays européens.

  • La crise environnementale n’a fait que s’aggraver par le changement climatique et la perte de biodiversité. Depuis 1988, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a évalué le changement climatique. Divulgués en 2019, ses derniers modèles confirment que l’augmentation de température à 2°C à 2050 est d’ores et déjà pratiquement inatteignable. Ils anticipent plutôt une hausse comprise entre 2°C et 7°C comme les consultants du McKinsey Global Institute (Climate risk and response: physical hazards and socioeconomic impacts). Au-delà du changement climatique, d’autres enjeux environnementaux se présentent. Ainsi, l’organisation WWF publie régulièrement le rapport Planète vivante pour dresser un état des lieux de la biodiversité mondiale. Leur indice synthétique montre que le nombre d’espèces animales a baissé de 60% en 40 ans. L’impact environnemental des activités humaines a enregistré une croissance significative jusqu’à aujourd’hui.

  • Cette tendance lourde conduirait à la dégradation de la géographie des pays européens. La diversité des risques est mise en évidence par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) dans son rapport « L'environnement en Europe - état et perspectives 2020 ». Incendies, sécheresses, inondations côtières sont appelés à se multiplier sur tout le continent. Ces risques accumulés affecteraient spécialement la France. Ainsi, un expert de l’agence résume qu’en 2100, « dans ce scénario le plus optimiste, sur la côte ouest en France, les risques d’inondations seront près de 200 fois plus importants qu’en 2010 ». L’évolution de la dangerosité des feux augmenterait de plus de 40% sur la majorité du territoire métropolitain. La géographie physique et climatique de la France en serait bouleversée.

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Aux échelles continentale et nationale, les initiatives annoncées ne sauraient suffire pour répondre au défi du siècle.

  • La première initiative majeure de la Commission européenne est l’annonce d’un pacte vert pour l’Europe en décembre 2019. Il s’agit d’une « stratégie de croissance » qui vise à impulser une transition écologique juste dans l’espace européen. Elle vise la baisse de près de 50% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 et la neutralité carbone du continent en 2050. Ursula von der Leyen prévoit une dépense de 1 000 Md€ portée par des financements européens sur 10 ans. Ses objectifs généraux sont en passe d’être déclinés dans une feuille de route concernant des domaines variés comme l’énergie, la biodiversité, l’alimentation et les transports. Le pacte vert pour l’Europe est donc le marqueur fort de la nouvelle Commission européenne.

  • Cependant, le pacte vert pour l’Europe fait l’objet de critique ne serait-ce qu’en raison de son envergure financière. Les financements annoncés par la Commission pourraient être inférieurs aux besoins réels, ce qui ferait reposer l’effort sur les États. Selon l’institut Bruegel, un cercle de réflexion pro-européen, plusieurs conditions doivent être réunies pour faire fonctionner le pacte : un prix du carbone significatif, une politique industrielle innovante, un mécanisme inclusif de compensation ainsi qu’une stratégie d’investissement durable (« How to make the European Green Deal work », nov. 2019). Sur ce dernier point, le Bruegel souligne que les investissements devraient plutôt dépasser 300 Md€ par an qu’atteindre 100 Md€ par an, ce qui est le montant proposé par la Commission (« The European Green Deal needs a reformed fiscal framework », déc. 2019).

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  • Les grands pays européens sont engagés dans une transition écologique visant la neutralité carbone en 2050. La France a d’emblée revendiqué son engagement dans le cadre des accords de Paris de 2015. Dès 2017, le président français Emmanuel Macron a voulu afficher son volontarisme politique pour la transition environnementale. L’un des symboles forts en a été l’initiative de recherche « Make our Planet Great Again » pour attirer des scientifiques de haut niveau. Le suivi des décisions favorables au climat s’effectue par un conseil de défense écologique qui réunit les ministres concernés auprès du président. Il est censé décliner la stratégie nationale bas carbone (SNBC) en phase avec les engagements pour 2050.

  • Dans ce cadre, les orientations décidées et les actions entreprises par la France sont loin d’être à la hauteur des enjeux. Organisme consultatif indépendant créée en 2019, le Haut Conseil pour le climat (HCC) réunit une douzaine d’experts pour juger de la pertinence de la politique climatique de la France. Il constate que la SNBC ne parvient pas à atteindre ses objectifs dans les transports et le bâtiment alors même qu’ils pèsent la moitié des émissions du pays. Il déplore aussi que les grandes lois ne soient pas systématiquement évaluées à l’aune des impératifs de transition écologique du pays. Prévu à l’été 2020, le prochain avis du HCC promet d’être critique au regard des annonces effectuées près de la Mer de Glace au retrait « vertigineux » pour Emmanuel Macron.

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Tous les acteurs géopolitiques auront ainsi à se mobiliser avec plus d’ambition pour décarboner le système socio-économique. 

  • Seuls les acteurs publics et privés disposent du poids nécessaire pour déployer la transition écologique. En novembre 2019, la société de conseil Carbone 4 a publié une étude du cas de la France pour évaluer « le pouvoir et la responsabilité des individus, des entreprises et de l’État face à l’urgence climatique ». Pour respecter les objectifs de l’accord de Paris en 2050, chaque Français devrait réduire son empreinte carbone moyenne de 11 à 2 tonnes d’équivalent CO2 par an. Alors que les actions modérées d’un individu moyen produiraient 25% de la baisse requise, 75% de l’effort total devraient provenir des acteurs géopolitiques.

  • Les grandes lignes directrices pour décarboner le système socio-économique en Europe sont déjà bien identifiées. Centrés sur les institutions, les membres du Shift Project de Jean-Marc Jancovici identifient les principales pistes dans un plan en « 9 propositions pour décarboner l’Europe ». Pour les entreprises, les consultants du McKinsey Global Institute reconnaissent que « le rythme et l’échelle de l’adaptation devront vraisemblablement croître de façon significative ». Leurs orientations stratégiques concernent la protection des personnes comme des actifs, la construction de la résilience, la réduction de l’exposition aux risques et la mise en place des mécanismes financiers et assurantiels adéquats. Les acteurs Européens disposent peut-être ici du projet fédérateur qui leur avait tant fait défaut.

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Source carte : McKinsey Global Institute

Source image : Les Échos

Source infographie : The Shift Project

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