Mondialisation x Santé – Stupeur et confinements face au coronavirus
Issue du centre industriel de la Chine, l’épidémie de coronavirus se propage dans le monde entier. Elle se distingue par l’ampleur des répercussions économiques et géopolitiques qu’elle engendre. De la pandémie chaotique à l’éradication rapide, plusieurs scénarios d’évolution se dessinent pour cette épidémie mondialisée.
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Issue du centre industriel de la Chine, l’épidémie de coronavirus se propage dans le monde entier.
Les coronavirus sont une famille de virus dangereux qui se transmettent des animaux aux hommes. Plusieurs épidémies de coronavirus ont été déclarées au XXIe siècle avec des taux de contagiosité et de mortalité variables selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Apparu en Chine, le SRAS-Cov s’est propagé entre 2002 et 2003 dans une trentaine de pays. Il a tué 774 personnes pour 8 096 individus infectés, ce qui représente un taux de létalité de 10%. Puis, entre 2012 et 2013, le MERS-Cov d’Arabie Saoudite a causé 567 décès pour 1 589 cas détectés, soit un taux de 30%. Ces épidémies ont pu être endiguées malgré l’absence de traitement médicamenteux ciblant directement les virus.
L’épidémie actuelle de coronavirus provient de la province centrale du Hubei, cœur industriel de la Chine. À Wuhan, la fin 2019 s’est illustrée par la transmission à l’homme du SARS-Cov2 selon la classification de l’International Commitee on Taxonomy of viruses (ICTV). L’ophtalmologue Li Wenliang, lui-même victime de la maladie, avait déjà donné l’alerte fin décembre 2019. Mais les autorités chinoises n’ont reconnu que tardivement l’ampleur de l’épidémie. Elles n’ont imposé des mesures fortes de confinement qu’après le 20 janvier. Ces décisions sanitaires se sont révélées insuffisantes pour contenir un virus très contagieux. Près de 80 000 résidents en Chine ont été infectés par le SARS-Cov2 à la date du 1er mars 2020.
L’épidémie de coronavirus fait l’objet d’une mondialisation en raison des flux internationaux de personnes. À partir de la Chine, l’épidémie s’est rapidement propagée en Asie orientale, au Moyen-Orient et même en Europe. C’est pourquoi le directeur de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesusa a déclaré le 30 janvier 2020 « une urgence de santé publique de portée internationale ». Utilisée pour la sixième fois de son histoire, cette qualification de l’OMS stimule le partage d’informations et la prise de mesures coordonnées visant à contenir une épidémie. Aujourd’hui, la menace épidémiologique est toujours considérée comme « très élevée » puisque les chaînes de transmission s’étendent dans une soixantaine de pays.
Elle se distingue par l’ampleur des répercussions économiques et géopolitiques qu’elle engendre.
D’une part, la lutte contre le coronavirus exerce un effet récessif sur l’économie mondiale. En effet, les mesures de confinement, les restrictions de circulation et les annulations d’événements dégradent les échanges internationaux. Le ralentissement industriel dans les pays les plus touchés, comme la Chine et l’Italie, pèse sur l’activité dans des bassins d’emploi importants. Ainsi, selon Adriano Bosoni, analyste senior Europe chez Stratfor, « le virus pourrait perturber temporairement les chaînes logistiques et les flux de voyageurs, et créer de l’incertitude sur les marchés financiers européens » (« What a Coronavirus Crisis Means for Europe »). Les marchés actions ont enregistré leur plus forte baisse hebdomadaire depuis 2008, ce qui témoigne de la grande fébrilité des agents.
D’autre part, la propagation de l’épidémie provoque un risque sécuritaire pris très au sérieux par les autorités. Car le potentiel de tensions intercommunautaires et de troubles à l’ordre public devient de plus en plus important. Reliées au coronavirus, plusieurs agressions xénophobes contre des personnes d’origine asiatique ont d’ores et déjà été constatées en Italie, en France et en Espagne. Selon Aziz Zemouri du journal Le Point, une note des renseignements territoriaux à destination du président de la République Emmanuel Macron a fait état du risque de « stigmatisation des Asiatiques » et du « climat anxiogène » dans les rapports sociaux.
Malgré des effets sanitaires incertains, des partis populistes européens appellent à une fermeture des frontières dans l’espace Schengen. Les règlements européens permettent des restrictions temporaires de circulation pour des menaces graves portant sur la santé publique suivant le Règlement (UE) 2016/339 du Parlement européen et du Conseil. Dans la foulée de la crise migratoire de 2015, les partis nationalistes cherchent toujours à miner la libre circulation des personnes. Par exemple, Marine le Pen du Rassemblement National (France) et Lorenzo Quadri de la Ligue des Tessinois (Suisse) ont appelé à une fermeture des frontières face à l’épidémie frappant la Lombardie et la Vénétie.
De la pandémie chaotique à l’éradication rapide, plusieurs scénarios d’évolution se dessinent pour cette épidémie mondialisée.
Le premier scénario serait celui d’une pandémie chaotique causant des dommages redoutables sur les systèmes socio-économiques. Dans cette perspective, à cause d’une inefficacité des mesures d’endiguement ou d’une mutation du virus, l’épidémie de coronavirus serait déclaré « pandémie » au sens de l’OMS. Ce vocable angoissant ferait écho aux pandémies historiques comme la grippe espagnole de 1918-1919 (50 millions de morts) et le SIDA depuis les années 1980 (autour de 35 millions de morts). Au forum de la sécurité de Munich en 2017, le milliardaire américain Bill Gates anticipait la survenance d’une grave pandémie dans les années 2020 avec des coûts immenses. Ce scénario improbable ne saurait toutefois être écarté à court terme.
Le deuxième scénario serait celui d’une éradication rapide grâce à l’efficacité de la mise en œuvre des mesures de santé publique. Au sein des principaux pays touchés (Chine, Corée du Sud, Italie, etc.), un tournant épidémiologique pourrait être atteint lors du croisement à 40 000 individus de la courbe des nouvelles infections au regard de celle des guérisons. Par une combinaison de gestes barrières, de confinement des clusters, d’isolement des personnes infectées voire de découverte d’un traitement antiviral, la propagation de l’épidémie pourrait être maîtrisée avant qu’elle ne gagne des pays plus fragiles.
Le troisième scénario serati dual selon la capacité des systèmes de santé nationaux à faire face à la crise. Les pays développés parviendraient à endiguer efficacement le virus avec leur système hospitalier civil. Toutefois, les pays en développement pourraient être débordés par des clusters d’épidémie en milieu urbain à forte densité de population. Ceci explique la vigilance des autorités de santé envers les cas déclarés en Afrique sub-saharienne. Pour l’instant, seuls deux centres sur le continent, dont l’Institut Pasteur de Dakar, disposent en propre des réactifs utilisés pour tester le coronavirus. Ainsi, l’OMS et les gouvernements africains sont à pied d’œuvre dans le but de contenir la venue de patients zéros sur le continent.