Villes x Climat - Les métropoles sont actrices du changement climatique
13/08/2023
Responsables d'importantes émissions de gaz à effet de serre, les villes et métropoles s'organisent afin de lutter contre le changement climatique. Les métropoles sont confrontées à des obstacles de toutes natures pour engager une réelle transition environnementale. Des stratégies ambitieuses sont mises en place à diverses échelles pour rendre les métropoles plus actrices de la lutte contre le changement climatique.
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Responsables d'importantes émissions de gaz à effet de serre, les villes et métropoles s'organisent afin de lutter contre le changement climatique.
Les villes, dont les métropoles, sont des sources importantes d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Les zones urbaines représentent près de 4,4 milliards d’habitants, soit de 56% de la population mondiale selon la Banque mondiale (BM). De ce fait, les activités humaines y sont nombreuses, tout comme leurs impacts, notamment dans les métropoles. Une métropole est une agglomération regroupant d’importantes fonctions de commandement économique, politique, culturel et technologique : Londres, Pékin ou Rio de Janeiro sont des métropoles. Les mégapoles, elles, sont des villes de plus de 10 millions d’habitants, comme Tokyo ou Mexico, qui couvrent seulement 0,2% des surfaces émergées. Elles sont responsables d’importantes émissions de GES, causes du changement climatique. La concentration du bâti, la diversité d’infrastructures et la densité d’habitants stimulent la demande d’énergie, qui provient principalement de sources fossiles (charbon, pétrole et gaz). Celle-ci entraîne une ample augmentation des émissions de GES, dont le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4). Les émissions urbaines de GES représentent ainsi 70% des émissions globales de GES (CNRS).
L'interconnexion globale des métropoles contribue aussi à l'instabilité environnementale. Ces métropoles échangent entre elles bien plus qu’avec leur arrière-pays, ce que désigne bien l’expression d’archipel métropolitain mondial (AMM). L’AMM est « formé d’ensemble de villes qui contribuent à la direction du monde » tant elles entretiennent des relations intenses pour Olivier Dollfus dans La Mondialisation (1997). Cette expression décrit le fonctionnement interconnecté des grandes métropoles, parmi elles, Paris, New York, Mumbai ou encore Pékin. L’AMM a un impact significatif sur l’accélération du changement climatique du fait des échanges et flux induits. Par leur développement élevé et leur interconnexion complexe, ces grandes métropoles concentrent un dense tissu d’activités et de réseaux de transports. Par conséquent, les grandes métropoles chinoises font face à des situations d’airpocalypse, où la qualité de l’air apparaît extrêmement dégradée. L’addiction au charbon, la démographie croissante et l’essor industriel y plongent les urbains en Chine dans une crise profonde selon Jean-François Huchet (La crise environnementale en Chine, 2016).
Paradoxalement, les habitants des métropoles, surtout les plus marginalisés, subissent le changement climatique. En effet, les métropoles émergentes sont souvent les plus affectées par le changement climatique. La croissance rapide de leur population a accru la demande de logements, donc, l’urbanisation massive de ces pays. Celle-ci s'établit sans prise en compte des écosystèmes locaux et de la préservation des sols, pourtant essentiels au maintien d’un environnement sain pour les habitants. Affectées par la dégradation du climat, les métropoles des pays émergents apparaissent moins résilientes face à ces menaces. Par exemple, le Bangladesh figure parmi les pays les plus exposés au changement climatique. Il est régulièrement frappé par les moussons, les cyclones, les canicules et les inondations. Un tiers du pays serait menacé d’être inhabitable en 2050. Les prémices de ce phénomène poussent des millions de Bangladais à l’exode rural. Capitale du Bangladesh de plus de 20 millions d’habitants, Dacca devient un pôle d’attractivité démographique alors même qu’elle figure parmi les 10 villes les plus exposées au changement climatique.
Les métropoles sont confrontées à des obstacles de toutes natures pour engager une réelle transition environnementale.
Les imaginaires et représentations peuvent faire obstacle à une transformation profonde des métropoles. Certes, pour limiter l’étalement urbain (« urban sprawling ») et ses externalités négatives, des villes ont adopté un modèle vertical, comme New York et Tokyo. Pourtant, une conception classique de l’urbanisme se cristallise dans de nombreux territoires, donnant le primat à l'étalement urbain, avec une faible densité de construction. Cet imaginaire urbanistique ne peut répondre aux enjeux démographique et écologique des métropoles d’aujourd’hui. Mike Davis fournit une analyse critique de l’urbanisation de Los Angeles dans son livre City of Quartz : Los Angeles, Capitale du futur (1991). Il montre que l’imaginaire urbanistique, et le poids des promoteurs immobiliers, a produit une ville horizontale (sauf Downtown), marquée par la ségrégation socio-spatiale et l’imposition de transports inefficients. Los Angeles consacre le primat de l’automobile dans le cadre d’une privatisation de l’espace public. Ce phénomène de géographie urbaine caractéristique du modèle de la ville nord-américaine s’applique aussi à d’autres continents.
Le coût de la transition urbaine vers la ville neutre en carbone impose des modes d’action et de financement ambitieux. En effet, les coûts de transition peuvent être élevés en raison des investissements nécessaires dans des infrastructures durables, des énergies renouvelables et des transports en commun. Aux États-Unis, de nombreuses initiatives ont été prises pour que des villes atteignent la neutralité carbone en 2050. Toutefois, le Brookings Institution met en évidence les limites des plans d’action climat et des financements dédiés dans 50 villes états-uniennes. Le centre de recherche montre que « les villes sont en difficulté pour atteindre leurs objectifs climat », notamment parce que 68% ne mesurent pas leurs progrès à échéances régulières et 72% ne disposent pas d’une stratégie sectorielle (Not according to plan: exploring gaps in cities climate planning and the need for regional action, septembre 2022). En outre, 46% des villes ne proposent pas de mode de financement durable et cohérent pour leurs actions de transition (How US cities are finding ways to fund climate progress, 2023).
Les défis techniques de faisabilité doivent aussi être intégrés dans cette équation complexe pour les métropoles confrontées au changement climatique. En effet, la faisabilité technique de la transition écologique des métropoles suscite des défis colossaux. Alors que la ville de Paris a connu un climat stable pendant 2 000 ans, l’accélération du changement climatique s’impose à elle avec force. En 2050, Paris aura le climat actuel de Marseille, sans mistral rafraîchissant et sans architecture méditerranéenne. Or, Paris n’a pas connu de transformation radicale de l’urbanisme depuis les années 2000. Selon Franck Lirzin, auteur du livre Paris face au changement climatique : les clefs de l’adaptation climatique (2022), l’héritage historique parisien tend à ce qu’il n’y ait pas de « culture climatique » à Paris. Face à ce défi d’ampleur, le bâti de la capitale apparaît inadapté ou mal-adapté tant la métropole est « très majoritairement composée de passoires thermique ou de bâtiments mal isolés : 80% de son patrimoine date d’avant la première règlementation thermique ».
Des stratégies ambitieuses sont mises en place à diverses échelles pour rendre les métropoles plus actrices de la lutte contre le changement climatique.
Des coopérations internationales sont engagées pour limiter l’impact des villes sur le changement climatique. À l’échelle mondiale, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) est l’une des premières initiatives visant à limiter les impacts du changement climatique. Elle fut ratifiée en 1994 par 197 pays. L’objectif est de stabiliser, puis, réduire les concentrations de GES. Chaque année depuis 1995, son événement global, la Conférence des Parties (COP), retrace les engagements climatiques des partenaires, dont les villes, et leurs applications. En 2015, la COP 21 marque l’adoption de l’accord de Paris dont le but est le maintien de « l’augmentation de la température moyenne mondiale en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriel ». À l’échelle locale, 100 maires des plus grandes villes du monde animent le C40. Le C40 est un réseau mondial de villes qui sont unies dans l'action pour faire face à la crise climatique. Les maires des villes du C40 s'engagent à utiliser une approche inclusive, scientifique et collaborative pour réduire de 50% leur juste part d'émissions d'ici 2030 et construire des communautés saines, équitables et résilientes.
Les projets d'éco-villes et les « smart cities » tentent de renouveler en profondeur l'urbanisme. Afin de répondre aux problématiques environnementales que pose l’urbanisme, des projets d’éco quartiers ont vu le jour. Le label « éco Quartier », lancé en 2009 par le gouvernement français, est devenu une solution d’aménagement de quartier durable alliant l’habitat, les espaces verts, la biodiversité, la gestion des eaux pluviales, les déplacements ou encore l’énergie. Ce concept d'éco quartier peut s’étendre aux villes qui peuvent devenir éco ville. Les « smart cities » s'inscrivent dans cette logique d'éco ville en minimisant les émissions de GES tout en intégrant un ensemble de technologies de l’information et de communication (TIC) dans la gestion urbaine. Par exemple, elles peuvent utiliser l'intelligence artificielle (IA) pour améliorer l'organisation des flux et limiter le gaspillage énergétique. Zurich est l’une des villes intelligentes les mieux classées dans le Smart City Index de l’IMD (2023). Capitalisant sur sa situation géographique, son réseau de transports, et son capital humain, la ville a investi massivement dans une infrastructure d’internet des objets (IoT).
Les métropoles contemporaines restent encore à la croisée des chemins dans leur trajectoire de développement durable. Paris est l’archétype de la métropole engagée dans une transition écologique à laquelle s’imposent de fortes limites. Pour les surmonter, la ville de Paris propose un nouveau plan local d’urbanisme (PLU) bioclimatique pour une « révolution urbaine ». Ce PLU règlemente les constructions de la ville et détermine les règles d’occupation des sols dans une perspective de préservation environnementale et de mixité sociale. La proposition de PLU bioclimatique, soumise au vote en 2024, prévoit, par exemple, la construction de logements sociaux, l’augmentation des espaces verts, la végétalisation de zones piétonnes et la limitation de la hauteur des bâtiments. La ville se veut aussi une ville du « quart d’heure », dans laquelle les services essentiels à la vie quotidienne sont à 15 minutes à pied du domicile des Parisiens. C’est en faisant face aux enjeux réels de leur transition que les métropoles deviennent actrices du changement climatique.
Source texte : NeoGeopo / Matthieu Alfré et Margaux Chérifi Brault
Source image : Le Monde
Source carte : NeoGeopo / Matthieu Alfré et Apolline B.