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Prospective x Environnement – L’Afrique face au changement climatique

D’ici 2050, l’Afrique pourrait subir des effets dévastateurs de la dégradation environnementale. Ces impacts néfastes augurent d’un essor des conflictualités et des déséquilibres humains. Ainsi, les acteurs du développement se mobilisent pour assurer l’avenir du continent africain.

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D’ici 2050, l’Afrique pourrait subir des effets dévastateurs de la dégradation environnementale.

  • L’Afrique ne peut que continuer de subir les impacts du changement climatique. Bien qu’elle ne contribue qu’à environ 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), elle est le continent le plus fragile face au réchauffement climatique selon l’OCDE. Les températures pourraient y augmenter de plus de 2°C d’ici 2100, principalement sur la partie Ouest du Sahel et au Sud-Ouest du continent. Pour des climatologues du GIEC, les précipitations seront de plus en plus erratiques et violentes, entraînant de fortes inondations et des crues catastrophiques là où les sols abimés ne pourront plus retenir l’eau des pluies. Les espaces littoraux seront particulièrement touchés par les tempêtes qui s’aggraveront (fréquence, intensité, impact) du fait de l’élévation de la température mondiale et du niveau des océans.

  • L’Afrique fait face à une désertification rapide extrêmement dangereuse pour ses populations et son écosystème. Près de 42% du continent est recouvert par des déserts et la désertification menace encore 15% du territoire selon le groupe d’experts de Belgian Earth Observation. À l’échelle sous-régionale, le lac Tchad, situé entre le Niger, le Tchad, le Cameroun et le Nigéria, a d’ores et déjà perdu 90% de sa surface depuis les années 1970. Cette catastrophe a entraîné une baisse drastique des ressources en eau douce, la perte d’une biodiversité importante et l’effondrement de la pêche, activité essentielle aux sociétés riveraines. À l’échelle locale, la ville du Cap en Afrique du Sud craint régulièrement les pénuries d’eau en cas de sécheresse touchant le nord du pays. Pour l’instant, le « Day Zero » n’a pas encore eu lieu du fait de la mise en place d’une politique stricte d’économie et de rationnement.

  • En conséquence, les sociétés africaines les plus fragiles seront mises à l’épreuve dans les décennies à venir. Selon les prévisions de la division population de l’ONU, l’Afrique sub-saharienne enregistre une forte croissance démographique : la population devrait être de plus de 2 milliards dans moins de 40 ans. Or, les systèmes agricoles, déjà défaillants, seront très affectés par la modification des cycles culturaux causée par un nouveau profil des températures. Ainsi, selon la FAO, l’Afrique pourrait perdre les deux tiers de ses terres arables à cause de la désertification d’ici 2030. Pour les analystes de l’ONU, « la baisse des rendements agricoles et l’accroissement démographique exerceront une pression supplémentaire sur un système de production alimentaire déjà fragile » (infolettre Africa Renewal).

Ces impacts néfastes augurent d’un essor des conflictualités et des déséquilibres humains.

  • Par le changement climatique, des rivalités internationales pourraient être renforcées sur le continent. La question de l’eau pourrait engendrer de nouvelles strates de tensions africaines. Initié en 2013 et prévu pour 2022, l’immense projet de l’Ethiopie de Grand Barrage de la Renaissance le long du Nil bleu, suscite des inquiétudes de la part de l’Egypte. Située en aval, l’Egypte dépend du Nil à 98% pour son agriculture et son accès à l’eau potable, lesquels se verraient fortement menacés (Le Dessous des Cartes : « L’eau, une ressource sous tension »). Aggravée par la sécheresse et désertification, la raréfaction de l’eau pourrait ainsi exacerber des antagonismes sous-régionaux.

  • L’ampleur du changement climatique pourrait aussi attiser indirectement des conflits nationaux. Le cinquième rapport du GIEC de 2014 établit que « le changement climatique va accroître indirectement les risques de conflit de type guerre civile (…) et violentes manifestations ». La bande sahélo-saharienne apparaît au centre de ces dynamiques sociales transformées par le changement climatique. Par exemple, la cohésion de la société tchadienne est rudement mise à l’épreuve par ces bouleversements. Les fermiers du Sud du pays, majoritairement musulmans, s’opposent aujourd’hui aux agriculteurs chrétiens vivant autour du lac Tchad, ce qui offre un terreau favorable aux groupes djihadistes comme Boko Haram. Les productions agricoles peuvent même être instrumentalisées dans le cadre de ces conflits ethno-confessionnels.

  • Ces deux tendances lourdes pourraient engendrer une explosion migratoire intra-africaine et extra-africaine. La désertification et les risques liés à l’eustasie amènent les populations, notamment du Sahel et d’Afrique de l’Ouest, à chercher de nouveaux lieux de résidence et de travail. Les migrations seront d’abord intra-africaines en direction des pays voisins (entre 70 et 85% selon les analyses). Elles seront aussi extra-africaines, principalement vers le Moyen-Orient et l’Europe. Selon l’agence Frontex, depuis 2010, 10 fois plus d’Africains ont tenté la traversée de la Méditerranée. Cette explosion migratoire entraîne des risques et des opportunités qui sont d’ores et déjà identifiés. En Afrique comme en Europe, des collectifs xénophobes pourraient imposer leur agenda aux politiques dans des sociétés gagnées par les dérives populistes.

Ainsi, les acteurs du développement se mobilisent pour assurer l’avenir du continent africain.

  • Les sociétés civiles africaines multiplient les initiatives pour répondre aux nombreux défis du développement qui se profile. Les défis alimentaire et agricole cristallisent un nombre important d’initiatives déployées au plus près du terrain. Certains plans d’actions ont eu un impact majeur à l’instar de la création du Mouvement de la ceinture verte en 1977 par la kenyane Wangari Muta Maathai. Son ONG cherche à reboiser les espaces où les sols subissent l’érosion et la désertification tout en valorisant le travail des indigènes et des femmes. Pour son action écologique, Wangari Maathai a obtenu le prix Nobel de la paix en 2004. En outre, les systèmes agricoles s’adaptent à la nouvelle donne comme l’illustre le peuple Konso en Ethiopie qui parvient à innover et dépasser les contraintes de l’aridité en cultivant le tef et le maïs grâce à un système d’irrigation adapté (terrasses).

  • Les États africains cherchent à construire des politiques publiques qui combattent le réchauffement climatique. Conscients des risques qu’ils encourent, la quasi-totalité des pays africains ont adhéré aux accords de Paris de 2015, à l’exception de l’Angola, de l’Erythrée et du Sud-Soudan. De nombreux projets de lutte contre le changement climatique apparaissent prometteurs sur tout le continent : à Madagascar, une nouvelle variété de riz plus résiliente, créée via des techniques culturales améliorées, a permis le doublement de rendement par hectare ; en Zambie, les 2/3 des agriculteurs appliquent une forme d’agriculture biologique durable fondée sur le respect des écosystèmes et des ressources naturelles.

  • Soutenue par l’ONU, l’Union Africaine (UA) tente de faire de l’enjeu climatique une lutte commune en Afrique en multipliant les projets. À l’occasion du sommet climat tenu en 2019 à New York, l’ONU – et notamment la division ONU Environnement – a réaffirmé sa volonté de travailler en collaboration avec l’UA face au changement climatique. Le principal projet d’ici 2030 est celui des forêts urbaines, capables de réduire jusqu’à 8°C la température et d’améliorer la qualité de l’eau. Cette action visant à affronter les conséquences de la désertification et de l’érosion des sols est inspirée par la « Grande muraille verte ». Ce projet de barrière forestière anti-désert est soutenu par Monique Barbut, présidente du Fonds pour l’environnement mondial et du WWF France. Avec ses initiatives et sa créativité, comme l’indique à juste titre Richard Munang, « l’Afrique n’est pas inéluctablement vouée à l’indigence ».

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Source image : L’Humanité

Source carte : NeoGeopo / Apolline B. [rendons à Apo ce qui est à Apo]

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