France x Afrique – Le franc CFA est mort, vive le franc CFA !

 

Reliquat de la colonisation française, le franc CFA connaîtra une refonte visant à l’africaniser. Entre ses défenseurs et ses contempteurs, il avait fait l’objet d’âpres débats qui ont été pris en compte pour sa réforme. Mais l’autonomisation des pays concernés dépend surtout de l’amélioration de leur gouvernance et de l’optimisation de leurs partenariats.

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Reliquat de la colonisation française, le franc CFA connaîtra une refonte visant à l’africaniser.

  • Produit de l’histoire coloniale, le franc CFA est une monnaie dotée d’une portée économique considérable. Fondé sur des principes énoncés en 1939, le « franc des colonies françaises d’Afrique » a été créé en 1945 dans le contexte des accords de Bretton Woods pour faciliter la gestion monétaire dans les colonies africaines. Tout en gardant l’acronyme CFA, il est devenu le « franc des communautés françaises d’Afrique » à l’aube des indépendances dès la fin des années 1950. Après les changements de terminologie, de périmètre et de valeur, le franc CFA est toujours utilisé au quotidien dans 14 pays d’Afrique par plus de 160 M de personnes à l’ouest (XOF) comme au centre (XAF).

  • Or, ses caractéristiques techniques entérinent le lien entre la France et des anciennes colonies en Afrique. Selon la Banque de France (BDF), trois principes directeurs président à la gestion monétaire de la zone franc. Primo, la parité avec l’euro est fixe. Secundo, la garantie de convertibilité est assurée par le Trésor français. Tertio, la transférabilité du franc CFA doit rester libre. Ces orientations s’accompagnent de conséquences majeures qui symbolisent la cogestion avec la France de la souveraineté monétaire des pays concernés. La présence d’administrateurs de la BDF dans les banques centrales de la zone et le dépôt centralisé de réserves de change dans des comptes français peuvent s’interpréter comme une survivance coloniale.

  • Pour africaniser la souveraineté monétaire, le président Macron annonce en décembre 2019 une refonte du franc CFA. En effet, le franc CFA ne faisait qu’alimenter les dénonciations antifrançaises relayées sans relâche par des polémistes anticolonialistes. Face aux polémiques, le président français et son homologue ivoirien, Alassane Ouattara, proposent la création de l’éco dans la zone XOF, la fin de la centralisation des réserves de change et la cessation de la présence française aux conseils d’administration des banques centrales. Cette nouvelle monnaie maintiendrait toutefois la garantie de la France et la parité fixe ce qui fait écrire aux éditorialistes du journal Le Monde que « la France cesse d’être co-gestionnaire mais demeure garant financier ».

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Entre ses défenseurs et ses contempteurs, il avait fait l’objet d’âpres débats qui ont été pris en compte pour sa réforme.

  • D’une part, les défenseurs du franc CFA soulignent les avantages de stabilité et de crédibilité qu’il procure. Économiste franco-béninois et ancien directeur du fonds d’investissement PAI Partners, Lionel Zinsou considère qu’il s’agit d’un « atout absolument fantastique » pour les pays de la zone. Selon lui, le franc CFA donne aux pays membres une maîtrise de l’inflation et une assurance du Trésor français contre les chocs. Pour améliorer la situation, il préconise plutôt que les dirigeants locaux prennent leurs responsabilités en ajustant les décisions monétaires et en approfondissant l’intégration économique. La création de l’éco tente de préserver les aspects techniques les plus stabilisateurs du franc CFA.

  • D’autre part, les contempteurs du franc CFA fustigent les effets pervers de ce reliquat du colonialisme. Ancien ministre du Togo, l’économiste Kako Nubukpo estime que le franc CFA est « la monnaie de la servitude volontaire ». Selon lui, il bride la compétitivité des entreprises africaines et facilite la fuite des capitaux des élites locales. L’impact négatif du franc CFA apparaît bien pire que de seulement réduire le potentiel de croissance des économies. Car il représente aussi la permanence du fait colonial qui assujettit les Africains (Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. À qui profite le franc CFA ?). La création de l’éco tempère ces critiques en supprimant l’affichage d’une tutelle politique.  

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Mais l’autonomisation des pays concernés dépend surtout de l’amélioration de leur gouvernance et de l’optimisation de leurs partenariats.

  • L’autonomisation des pays africains passe d’abord par l’amélioration drastique de leur propre gouvernance par des choix politiques adaptés. Afin de mieux suivre la trajectoire du continent, le milliardaire anglo-soudanais Mo Ibrahim soutient la publication de l’indice de la gouvernance africaine (IIAG). Édité par sa fondation, l’indice annuel IIAG reflète, pour chaque pays d’Afrique, la situation sécuritaire, le respect des droits, la soutenabilité économique et le développement humain. Le dernier rapport Gouvernance globale de 2018 fait état d’une lente amélioration de la gouvernance africaine qui n’est tirée par un faible nombre de pays quelle que soit leur situation monétaire. Ainsi les dimensions « sécurité nationale » et « environnement des entreprises », qui enregistrent la baisse la plus importante, relèvent des choix politiques des élites locales, et non pas de leur monnaie.

  • Elle suppose aussi la capacité à optimiser leurs partenariats indépendamment des discours proclamés par les acteurs émergents sur le continent. Les anciennes puissances coloniales risquent d’être dépréciées par leurs héritages historiques comme le franc CFA pour Paris. Elles sont aussi confrontées à une rivalité accrue venant de puissances émergentes avides des soutiens, des ressources et des débouchés africains. Rien qu’en Afrique francophone, Pékin, Moscou et même Ankara légitiment leur activisme en abusant d’une phraséologie anticolonialiste héritée de l’époque tiers-mondiste. Indifférente aux droits humains et à la démocratie, la Chine pèse 15% des échanges commerciaux de l’Afrique. Elle octroie au continent des prêts conditionnels d’un montant de 140 Md$ sur 12 ans. Entre les anciens colons et les nouveaux colonisateurs, l’argent reste au cœur des convoitises pour l’Afrique…

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Source image : Jeune Afrique

Source carte : Le Monde Diplomatique

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