Espagne x Politique – Vers une coalition fragile pour Sánchez

 

L’Espagne connaît des blocages politiques du fait de la tension entre nationalisme et indépendantisme. Avec les manifestations barcelonaises et l’exhumation de Franco, l’actualité est mise en scène à des fins électoralistes. En effet, le gouvernement a intérêt à hystériser les débats pour se présenter comme la seule option le 10 novembre.

***

L’Espagne connaît des blocages politiques du fait de la tension historique entre étatisme et indépendantisme.

  • L’Espagne est divisée par une tension historique entre étatisme espagnol et indépendantisme régional. Le pouvoir central de Madrid se voit comme le garant de l’unité de la nation espagnole. Sous la domination de Franco, dès 1939, les identités régionales ont été réprimées face au besoin d’unifier le pays. Depuis la mort du dictateur en 1975, l’Espagne est une monarchie parlementaire. Juan Carlos Ier a pris ses fonctions royales tout en étant contraint de démocratiser le pays. Il a fait face à des poussées régionalistes de plus en plus fortes en Galice, au Pays basque et en Catalogne. Elles ont été gérées par la mise en place d’un modèle hybride laissant des marges de manœuvre aux « Communautés autonomes ».

  • Entre nationalisme et indépendantisme, la tension historique atteint un très haut niveau dans la politique espagnole aujourd’hui. Dans un contexte de crise, l’arrivée au pouvoir du Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy marque un raidissement de l’étatisme. L’opinion publique se déchire à propos des indépendantismes. En Catalogne, deux votes sont organisés par les indépendantistes menés par Carlos Puigdemont en 2015 et 2017 (consultation, référendum). La Catalogne est placée sous tutelle devant une déclaration d’indépendance jugée inconstitutionnelle. Un scrutin législatif a lieu chaque année depuis trois ans alors même que les élections de 2018 consacrent le socialiste Pedro Sánchez du PSOE, incapable de former un gouvernement de coalition.

Avec les manifestations barcelonaises et l’exhumation de Franco, l’actualité est mise en scène à des fins électoralistes.

  • Lundi 14 octobre 2019, la Cour Suprême condamne une dizaine de meneurs indépendantistes à des peines de prison ferme pour réprimer la « sédition ». Près de 500 000 personnes se mobilisent à Barcelone pour contester les sanctions dans la durée. Des violences et incendies dépeignent une image radicale des forces indépendantistes. Ainsi, la réaction brutale au jugement des indépendantistes catalans rend service aux socialistes de Sánchez.

  • Jeudi 24 octobre 2019, le cercueil de Franco est exhumé et déplacé du Valle de los Caídos. Il y était inhumé parmi les dépouilles de combattants de la guerre civile y compris des Républicains, ses principaux opposants. Les forces politiques nostalgiques du franquisme, dont le parti d’extrême droite Vox, dénoncent la mesure prise par Pedro Sánchez tandis que le PP conservateur et le centre-droit Ciudadanos opposent un silence gêné. Par l’ouverture d’un autre front politique, l’exhumation de Franco rend aussi service aux socialistes de Sánchez.

S40_FRA_Catalogne.png

En effet, le gouvernement a intérêt à hystériser les débats pour se présenter comme la seule option le 10 novembre.

  • Le PSOE cherche à diviser la gauche de l’échiquier politique. Il s’oppose aux forces qui se réunissent dans IU, une coalition très à gauche qui ambitionne de faire prendre un virage radical à l’Espagne. Leur programme prévoit un « État fédéral, républicain et solidaire » ainsi qu’une loi mémorielle de réparation aux victimes du franquisme. Plus modéré qu’eux sur l’indépendantisme, le PSOE pousse IU à la faute en le faisant réagir aux manifestations à Barcelone.

  • Le PSOE entend compromettre la droite de l’échiquier politique. Les libéraux de Ciudadanos et les extrêmes de Vox siphonnent l’électorat de droite déçu par les scandales du PP. L’abstention du PP devant l’exhumation de Franco est une esquive maladroite devant ce passé qui ne passe pas. Le PSOE exploite le malaise franquiste de la droite conservatrice pour achever son adversaire historique. Rendez-vous le 10 novembre…

***

***

Source image : RTVE

Source carte : Le Monde

***