Gouvernance x G7 - La crise du multilatéralisme
Beaucoup d’analystes proclament la réussite du G7 de Biarritz comme s’il était le signe d’un renouveau international. Pourtant, la diplomatie connaît une crise profonde car le multilatéralisme est en souffrance. Le monde est entré dans une nouvelle ère où des gouvernements réaffirment leur nationalisme et leur brutalité.
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Beaucoup d’analystes proclament la réussite du G7 de Biarritz comme s’il était le signe d’un renouveau international.
Depuis 1975, le G7 est une conférence diplomatique qui réunit les chefs d’États de 7 pays développés. Ces pays sont les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, le Japon, l’Italie, l’Allemagne et la France qui se sont mis ensemble en 1975 suite au choc pétrolier de 1973. Ce format d’organisation politique et diplomatique permet de traiter ensemble les dossiers concernant au premier chef les pays membres.
Or, la 45e réunion du G7 s’est tenue à Biarritz du 24 au 26 août 2019. Elle a abouti à des annonces dans des domaines comme la sauvegarde de l’environnement, la protection des droits des femmes et la croissance inclusive soutenue par de grandes entreprises. Ces débuts d’engagement ont été présentés par un nombre importants d’observateurs comme des réussites diplomatiques notamment pour la France, le pays organisateur.
Cependant, le G7 ne prévoit guère de mesures fortes sur les dossiers les plus brûlants dans les affaires internationales. Par exemple, la résolution des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis ou la reprise des discussions avec l’Iran sur l’acquisition du nucléaire militaire ne montrent pas d’avancées à l’issue de la conférence. Au terme de ce G7, les grandes promesses d’apaisement des tensions globales restent ainsi lettre morte.
La diplomatie contemporaine connaît une crise profonde car le multilatéralisme est en souffrance.
Le multilatéralisme vacille puisque son cadre d’ensemble est devenu illisible. De fait, comités, clubs, forums, formats, groupes, instances et institutions s’accumulent et se juxtaposent ce qui finit par diluer le pouvoir d’action des Chancelleries. Pour le chercheur Dominique David de l’IFRI, il s’agit même « d’une forêt vierge qui n’est gouvernée par aucune logique d’organisation globale […] ». Cette remarque montre combien la multiplication des instances risque de déboucher sur une réduction des décisions véritables.
Le multilatéralisme est accusé de camoufler la domination occidentale du monde. Réunissant les vainqueurs de 1945, le Conseil de sécurité de l’ONU est emblématique de cette critique justifiée. Les membres permanents disposant d’un droit de veto sont les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine et la Russie. Ils concentrent un pouvoir exorbitant jugé indispensable pour la création de l’ONU. Des pays défaits en 1945, comme l’Allemagne et le Japon, et des pays émergents, dont l’Inde, revendiquent aujourd’hui l’obtention d’un statut supérieur à l’ONU. Toutes les propositions d’évolution de la composition du Conseil de sécurité et du droit de veto sont restées dans l’impasse jusqu’à aujourd’hui.
Le multilatéralisme bute enfin sur la faiblesse actuelle de la discussion face à la force. Fondés sur leur intérêt national et la Realpolitik, bien des dirigeants ne croient même plus aux vertus du dialogue. C’est ce que prouve la multiplication des initiatives plus agressives et plus brutales dans le monde actuel : les annexions de souveraineté en Europe de l’Est, les redéfinitions de frontières maritimes en Asie orientale et les abus de pouvoirs en Amérique latine en sont autant d’illustrations.
Le monde est entré dans une nouvelle ère où des gouvernements réaffirment leur nationalisme et leur brutalité.
La période actuelle qui s’ouvre est marquée par un regain de nationalisme qui se généralise. Alors que les années 1990 donnaient à croire à une fin de l’histoire, les années 2010 montrent à quel point les soubresauts de l’histoire persistent. Au regard de moments significatifs, comme le vote du Brexit et l’élection de Trump, les spécialistes de questions internationales comme Bertrand Badie et Michel Foucher débattent du rôle de la nation dans le monde contemporain (Vers un monde néo-national ?).
La période actuelle promet aussi la venue de tensions accrues contre laquelle tous ne sont pas préparés. Souscrivant à la formule d’un éminent dirigeant du SPD allemand, Sigmar Gabriel, Hubert Védrine considère que : « dans un monde de carnivores géopolitiques, les Européens sont les derniers végétariens. Sans le Royaume-Uni, nous deviendrons végan. Puis une proie…». Pour bien des nations européennes, ayant connu une atmosphère de paix relative depuis plus d’un demi-siècle, cette résurgence des tensions et rivalités appelle une prise de conscience du rôle que doit jouer la géopolitique pour agir dans le monde contemporain.
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