France x Armement – Ventes d’armes, vente d’âme ?
Se donnant un horizon de grandeur, la France vise l’autonomie stratégique et opérationelle. Le maintien de son industrie d’armement lui impose de trouver des débouchés à l’export. Nos acheteurs d’armes peuvent avoir un statut controversé qui justifiera longtemps les critiques.
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Se donnant un horizon de grandeur, la France vise l’autonomie stratégique et opérationnelle.
Nos dirigeants donnent un horizon de grandeur à l’action internationale de la France. Ils veulent « viser haut et se tenir droit » suivant la formule du général de Gaulle (Mémoires de guerre – L’Appel). Viser haut, c’est s’impliquer avec ambition dans les affaires du monde. Se tenir droit, c’est faire preuve d'autonomie dans ses engagements.
Ainsi, l’autonomie stratégique et opérationnelle est érigée au rang de « priorité » par le président Emmanuel Macron. Cette autonomie consiste à 1/ sanctuariser son territoire par la dissuasion (l’arme nucléaire) ; 2/ défendre ses intérêts grâce à des armées aguerries (les moyens conventionnels) et 3/ disposer d’une base matérielle robuste (l’industrie d’armement).
Or, le maintien de son industrie d’armement lui impose de trouver des débouchés à l’export.
L’industrie d’armement occupe une place spéciale pour les capacités productives du pays. Ses critiques la pourfendent en tant que « complexe militaro-industriel » (CMI) tandis que ses défenseurs la désignent comme « base industrielle et technologique de défense » (BITD). Le secteur de l’armement reste aussi important pour l’économie puisqu’il totalise entre 120 000 et 200 000 emplois.
La commande nationale est insuffisante pour maintenir la densité de l’industrie d’armement. Le gouvernement s’efforce de respecter les investissements prévus dans la loi de programmation militaire (LPM). Seulement, en 2019, dans son rapport au Parlement sur les exportations d’armes, le Ministère de la défense explique les limites des achats domestiques par les « contraintes budgétaires pour l’État ».
Ainsi, les dirigeants comptent sur les ventes d’armes à l’export pour sauver l’autonomie stratégique de la France. Les récentes prises de commandes vont jusqu’à 15 Md€ par an. Les grands contrats d’armement venus à l’étranger sont très divers. Les gouvernements s’enorgueillissent de leurs succès commerciaux à l’export avec une flotte de 36 Rafale pour le Qatar depuis 2015 ou 12 sous-marins Barracuda pour l’Australie en 2019.
Nos acheteurs d’armes peuvent avoir un statut controversé qui justifiera longtemps les critiques.
Certains acheteurs de notre armement ont un statut géopolitique controversé. En effet, 40% des ventes d’armes récentes vont au Moyen-Orient : Arabie Saoudite, Qatar et Égypte notamment. Image du transfert de capacité militaire, le classement du SIPRI confirme le rôle majeur de l’Égypte. Peu soucieux de droits de l’homme et de démocratie, ces pays restent maîtres du pétrole (Golfe arabo-persique) et gardiens du commerce (Mer Rouge).
Dans des régions où la course aux armements tient du marathon, les critiques de la position française perdureront. La journaliste Anne Poiret rappelle que le commerce des armes est encadré par un traité et des procédures (Mon pays vend des armes, 2019). Mais les risques de « commission de crime de guerre » et de « retournement contre les populations civiles » ne contrebalancent guère la géostratégie et les affaires.
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