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Prospective x États-Unis – Le territoire des États-Unis en 2050, vers la chute de l’aigle ?

D’ici 2050, le territoire et l’économie des États-Unis seront affectés en profondeur par les bouleversements climatiques. Les Américains continueront ainsi d’investir dans des technologies innovantes et de nouvelles mobilités pour augmenter leur résilience dans cette nouvelle donne. Cependant, leur cohésion nationale sera soumise à rude épreuve par les mutations démographiques et les fragmentations politiques.

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D’ici 2050, le territoire et l’économie des États-Unis seront affectés en profondeur par les bouleversements climatiques.

  • Les effets prévisibles du changement climatique transformeront les espaces emblématiques de la puissance des États-Unis. Du fait de l’inertie collective de la communauté internationale, les scénarios extrêmes du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) se seront réalisés. La montée des températures moyennes et du niveau des océans – eustasie – bouleverseront la météorologie et la géographie américaines. Les territoires côtiers alors déterminants pour la puissance économique des États-Unis seront de plus en plus affectés qu’il s’agisse des littoraux touristiques (Miami) ou des bases militaires (Norfolk). Dans ce contexte, les mégapoles américaines, de Los Angeles à Minneapolis, seront devenues des îlots de chaleur urbains (ICU), ce qui dégraderait leur potentiel et leur attractivité.

  • Surtout, les effets imprévisibles du changement climatique augmenteront les risques des catastrophes sur le territoire des États-Unis. Les catastrophes naturelles des années 2010 n’auront eu qu’une fréquence et une intensité toutes relatives par rapport à celles des années 2040. En bordure du Pacifique, la Californie menacera de se retrouver sinistrée chaque année à cause de la venue successive d’ouragans, de méga-feux et d’inondations. Confrontés à une telle exposition annuelle aux risques climatiques, les Californiens auront vraisemblablement appris à relativiser leur crainte du « big one », ce tremblement de terre d’une magnitude 14 sur l’échelle de Richter qui est censé survenir tous les 150 ans.

  • Conscients de ce double danger, les acteurs publics et privés se mobiliseront pour protéger l’économie américaine. En effet, les conséquences en séries de ces effets climatiques consisteraient en une disruption profonde du système économique et des chaînes de valeur dans les secteurs fondamentaux (food, utilities, energy, etc.). Spécialistes des risques naturels et des ressources, Alice Hill et Leonardo Martinez-Diaz rappellent en 2020 que chaque degré supplémentaire de hausse de la température coûtera 500 Md$ et amputera 1,2 point de PIB chaque année à l’économie américaine (Foreign Affairs – Adapt or perish). Ces impacts préjudiciables aux intérêts du « big business » et des communautés engendreront un New Deal majeur pour la résilience d’un système économique en « écologisation » pour Hubert Védrine (Comptes à rebours).

Les Américains continueront ainsi d’investir dans des technologies innovantes et de nouvelles mobilités pour augmenter leur résilience dans cette nouvelle donne.

  • Les États-Unis accroîtront leur emprise sur l’internet pour optimiser leur adaptation aux bouleversements climatiques. S’appuyant sur les grandes sociétés numériques californiennes, sensibilisées aux enjeux climatiques, Washington verrouillera le réseau internet mondial et s’imposera dans le classement du Cyber Power du Belfer Center d’Harvard. Cette stratégie assumée avait pris forme dès les années 2020 avec les investissements massifs des GAFAM dans les câbles sous-marins, infrastructures fondamentales où circulent toutes les données de la toile. Reliant Bilbao à Virginia Beach, le câble MAREA sera consolidé pour absorber la croissance du trafic et collecter plus d’informations numériques. Les Américains connaîtront le profil des risques environnementaux en temps réel et l’état de l’opinion publique mondiale face à leur réalisation.

  • Les États-Unis investiront dans de nouvelles mobilités plus adaptées à leurs besoins de déplacement. Seules les innovations de ruptures soutenues par des efforts massifs en recherche et développement (R&D) répondront à cette tendance à l’accélération des trajets, volontaires ou nécessaires. Le projet Hyperloop sera déployé avec vigueur par l’entrepreneur visionnaire Elon Musk pendant plus de 30 ans. En 2050, il constituera un réseau de transport reliant entre elles les principales mégapoles américaines. Il parcourra la distance de +550 km entre Los Angeles et San Francisco en une trentaine de minutes. Ce mode de transport révolutionnaire sera parvenu à « ringardiser » les transports aériens et à « optimiser » la production d’énergie selon son fondateur.

  • Les États-Unis resteront fidèles à leur désir de se dépasser dans l’adversité en réinvestissant la conquête spatiale. Leur stratégie spatiale correspondra aux projections de Thomas Gomart qui anticipait dès 2019 une « banalisation de l’accès » et une « arsenalisation » de l’espace exo-atmosphérique (L’affolement du monde). Avec le centre spatial Kennedy à Cap Canaveral, la Space coast de la Floride fera toujours figure de rampe de lancement des navettes spatiales américaines. Toutefois, la tendance à la privatisation et à la consolidation du secteur se sera confirmée. La NASA prendra part à des consortiums public-privés consacrant le leadership du groupe SpaceX. Les entreprises privées feront jeu égal avec les acteurs publics pour repousser toujours plus loin la « nouvelle frontière » du rêve américain.

Cependant, leur cohésion nationale sera soumise à rude épreuve par les mutations démographiques et les fragmentations politiques.

  • La cohésion nationale à long terme sera mise à l’épreuve par des mutations démographiques. Les visages des 400 millions d’Américains reflèteront un nouveau mix communautaire et religieux où la place centrale des protestants blanc d’origine anglo-saxonne - « WASP » - sera disputée. La montée en puissance des minorités est confirmée par le bureau de recensement américain selon lequel elles seront majoritaires en 2044 du fait des écarts de natalité et de migrations accrues (« majority-minority »). Les Hispaniques pourraient représenter 35% de la population contre 15% pour les Afro-américains et 10% pour les Asiatiques. En outre, la sécularisation de la société se poursuivra avec l’essor des non-croyants (« none »). Représentant 25% des Américains en 2020, les non-croyants finiront paradoxalement par s’imposer au pays du « In God We Trust ».

  • La cohésion nationale sera aussi fragilisée par les crises dans cette société hystérisée. En 2020, 3 Américains sur 4 avaient eu l’intuition que les écarts de richesse allaient s’accroître entre 2020 et 2050 selon le Pew Research Center. Relisant les textes de Thomas Piketty et de Branko Milanović, les économistes de la nouvelle gauche prolongeront les recherches de leurs maîtres à penser. Ils montreront que les inégalités mondiales auront évolué selon une « courbe de l’éléphant à la trompe allongée ». En effet, les happy few américains appartenant aux 1% des plus aisés auront utilisé des algorithmes d’investissement optimisant en continu l’allocation de leur patrimoine à l’échelle mondiale. Le vacillement du mythe fondateur de la méritocratie, prônant la valeur travail et la prise de risque, appellera ainsi une refondation de l’imaginaire américain.

  • Aggravée par les réseaux sociaux, la polarisation politique et spatiale aux États-Unis atteindra toute sa portée d’ici 2050. Le rôle des médias sociaux dans la polarisation politique fut dénoncé dans les années 2010 et 2020 par les alertes d’Eli Pariser (The Filter Bubble) et de Jeff Orlowski (The social dilemma). Cette dénonciation n’aura pas débouché sur une meilleure régulation de la communication politique en ligne mais sur un sursaut du complotisme. Dans un pays au bipartisme vieillissant, les tensions politiques se seront ainsi aggravées jusque dans les territoires. Cherchant à obtenir une autonomie accrue, des États côtiers s’insurgeront contre le gouvernement fédéral, suivant le modèle de la Californie avec son « Calexit ». Dans des États-Unis aussi désunis, les élections politiques de 2048 pourraient voir s’affronter Alexandria Ocasio-Cortez, une démocrate expérimentée issue de la minorité hispanique, avec Alexa Siri-Cortana, hologramme républicaine d’une intelligence artificielle (IA)…

PS : Si ce texte n’était pas une fragile prospective, mais la véritable histoire : que feriez-vous ?

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Source image : Street Art photographié à San Francisco lors du tour du monde de Matthieu Alfré

Source carte : NeoGeopo / Apolline B. [rendons à Apo ce qui est à Apo]

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